Renault renoue un partenariat avec Google dans la course à la transformation digitale de ses usines alors que l'état reste tout de même un actionnaire majoritaire de l'entreprise. Ou encore assez récemment, le choix du gouvernement de confier l'hébergement de nos données de santé au géant américain : Microsoft.
Contradictoire n'est ce pas ? Alors ce souhait de souveraineté numérique : info ou intox ? Choix dictés par une nécessité d'évolutions techniques et sans alternative "souveraine" ?
Faut-il encore parler de souveraineté numérique ?
Technique
Mais demandons-nous déjà pourquoi Renault - aujourd'hui - a besoin de Google Cloud pour réaliser une transformation digitale dans ses usines ?
Il s'agit tout simplement de l'arrivée au sein de nos usines de l'Industrie 4.0. Mais c'est quoi ça ?
Pour faire simple :
Le but est d’augmenter l’efficacité des processus industriels avec le moins d’intervention humaine tant au niveau de la maintenance que de la gestion des pannes et ainsi, par la flexibilité et la personnalisation, accroître la productivité en réduisant les coûts et la consommation d'énergie.
Et ceci en utilisant au maximum les appareils IoT, le big data, le cloud, et d'autres technologies afin de former une entité : les systèmes cyber-physique.
Donc Renault, souhaite évoluer vers ce type d'industrie :
D’après Renault, grâce à la captation et l’analyse des données, le travail des robots dans les ateliers peinture pourrait être amélioré, avec des économies d’énergies attendues susceptibles de grimper de 10 à 20%. "Dans les centres d’usinage, l’analyse des données doit permettre de réduire le nombre de rebuts et optimiser là encore la consommation d’énergie", a illustré Eric Marchiol.
Extrait de l'article présent sur l'usinenouvelle.com.
Et tout ceci sans compter sur la détection des incidents sur les outils de production. Voire même leurs prédictions au travers de l'analyse des données.
Ceci n'est pas un mythe, l'industrie s'oriente déjà vers ces systèmes depuis plusieurs années. Renault a déjà connecté environ 30% de son parc machine et souhaite augmenter cette proportion afin de passer d'ici à 2022 à 70%.
Et oui dans ce domaine l’Europe n'a pour le moment pas vraiment un coup d'avance...
Et quand bien même une entreprise européenne serait en mesure de répondre à ce besoin, serait-elle en mesure de ne pas utiliser des technologies extra-européennes ?
Il est clair que dans le domaine du Cloud : Google, Amazon et Microsoft ont une longueur d'avance.
Sujet d'ailleurs déjà évoqué ici par DamyR :
- https://www.damyr.fr/posts/hegemonieducloud/
La politique d’investissement, mise en avant dans l' article cité ci-dessus, permet effectivement aujourd'hui à Google de venir toucher à la numérisation des industries. Notamment au travers de ses expériences acquises sur le Cloud, l'Edge et le traitement de données.
Qui plus est, Google va même avec ce partenariat se préparer pour un marché en pleine croissance :
Avec cet accord avec Renault, "Google vient se confronter à une réalité métier", pour "développer des services nouveaux" et "trouver des innovations autour du monde de l'industrie"
Donc finalement, nous sommes dépendants d'acteurs externes sur ce sujet car tout s'est déjà joué il y a quelques années ?
Out of date
Globalement la dépendance actuelle aux acteurs externes et effectivement la résultante d'une politique qui ne date pas d'aujourd'hui.
Renault peut-il se permettre d'attendre l'arrivée d'un acteur national ou européen sur ce sujet ?
Peut-être pas, le retard dans certaines solutions technologiques explique sûrement certaines choses. Tout comme il est le premier argument de réponse lors du choix de Microsoft sur le Health Data Hub :
Si nous n’avions pas pris cette décision il y a un an, nous n’aurions pas la capacité de faire ce que nous faisons aujourd’hui avec le Health Data Hub. Nous avons un attachement particulier à la souveraineté numérique française.
Propos de Cédric 0, le secrétaire d'état au numérique le 23 mai dernier. On enfonce même le clous avec cette phrase de Guillaume Poupard, directeur général de l'ANSSI :
Dans une phase de prototypage, le choix d’une solution facile d’emploi a été privilégiée.
Certes qui explique par la suite :
le fait de revenir sur une solution européenne idéalement qualifiée par l’ANSSI et non soumise à des lois extraterritoriales européennes serait de bon goût.
C'est connu par tous les techniciens "informatiques". Une migration c'est toujours très simple...
Donc finalement, nous avons pris du retard par le passé, et comme aujourd'hui c'est plus simple chez les autres : on continue !
Je ne vais pas rentrer dans le débat du "OVH", "Scaleway" ou d'autres acteurs nationaux pouvaient-ils faire autant ? Je pense que oui. Mais de toute façon, à ce niveau le problème n'est plus juste technique, il s'agit aussi d'un problème de gouvernance mais pas qu'au plus haut sommet de l'état...
Souveraineté numérique
Garder la souveraineté de son numérique, donc le pouvoir sur lui, afin de garantir son indépendance en tout temps.
C'est vrai que ce choix est crucial et il ne faut pas oublier les précédents dans cette thématique de la souveraineté nationale :
Pour mener à bien ses opérations militaires, l'armée française utilise des produits fabriqués aux Etats-Unis. Ce qui pose un vrai problème quant à son indépendance opérationnelle.
Le 14 février 2003, le Premier ministre d'alors, Dominique de Villepin, annonce, lyrique, devant le Conseil de sécurité des Nations unies : l'Hexagone ne suivra pas les Etats-Unis en Irak. Les Américains vont faire payer à la France cet affront. « Ils ont interrompu toute coopération militaire », se souvient le général Henri Bentégeat, alors chef d'état-major des armées (Cema). La véritable peine sera l'arrêt immédiat de toute livraison de « composants et pièces détachées américaines des armements en usage dans l'armée française », poursuit-il… A cette époque, 97 % des armements sont produits nationalement ou en Europe. Reste 3 %… Dont des pièces des catapultes de porte-avions, système indispensable au décollage des aéronefs depuis ces bâtiments, qui sont fabriquées outre-Atlantique. « Cela risquait d'immobiliser le Charles-de-Gaulle »
Extrait d'un article disponible sur Marianne.net .
Mais peut-on faire un parallèle entre le monde matériel ( le cas du porte-avion Charles de Gaulle n'est pas unique, vous pouvez effectuer une recherche sur la turbine Arabelle ) et le monde du numérique ?
Prenons un exemple simple : Je stocke mes données en France, cloud ou non, mais je suis finalement piraté. J'ai perdu la souveraineté, le contrôle et l'autorité sur ma donnée. Pourtant j'ai suivi les préceptes de choix préférentiels nationaux ?
La souveraineté numérique ne se limite donc pas - uniquement - à un choix de fournisseur cloud, mais bel et bien à une stratégie globale de gestion de son numérique. Qui va de la création du système d'information à sa sécurisation et à son exploitation.
De plus lorsqu'on parle de souveraineté, cela évoque forcément une forme de protectionnisme.
Mais le numérique doit-il rentrer dans cette case ?
Pour moi la solution ne peut pas être le fruit de politique discriminatoire et de choix préférentiels ! Elle doit être le fruit d'un accompagnement des acteurs du numérique, du client à l'utilisateur final en passant par les prestataires : en réalité tout le monde.
Afin de que tout le monde puisse mieux comprendre et cerner les enjeux de la donnée numérique et de son utilisation.
Alors oui la question ultime pour rester souverain sur son numérique n'est finalement pas qu'une histoire de préférence européenne ou nationale. Et elle ne peut pas se résumer sur une question/phrase !
Mais plutôt d'une série de questions dont voici une liste non exhaustive :
- Est-ce que je maîtrise mon flux de données ? Et les techniques inhérentes à son traitement ? ( Vous n'avez pas de souveraineté numérique lorsque le seul à avoir accès à vos données est votre prestataire de service ... )
- Suis-je capable de sortir de ce système à tout instant et de le modifier ?
- Est-ce que je peux garantir sa sécurité en tout temps ? ( Le piratage arrivera un jour ou l'autre, mais quelles données seront compromises ? Dans quel état ? )
Et à chaque choix impactant pour votre système d'informations, reposez-vous ces questions !
Oui oui même dans le choix de votre suite bureautique, c'est impactant au quotidien. Ou encore des systèmes d'exploitations présents au bureau ! Et vous comprendrez mieux l'impact des mots "souverainetés numériques" !
Et enfin séparons donc les choix :
- Politique : Vous pouvez confier vos données à un hébergeur éthique pour signifier votre intérêt à ce mouvement ( le choix politique n'est pas forcément diabolique 😈 ) !
- Technique qui lui doit rester votre principal préoccupation dans la souveraineté numérique.
Oui oui nos politiques font des choix... politiques ! 😂
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